Le voyage intérieur comme approche centrée sur la personne
C'est avec un certain intérêt que je découvre aujourd'hui ce texte de Carl Rogers (1901-1987) pour qui « l'approche centrée sur la personne » a été une invitation au voyage intérieur, quand le « voyage intérieur » est dans ma pratique une approche principalement centrée sur la personne. Si ces deux idées semblent à priori se rejoindre dans le même objectif que celui du bien-être, elles différent néanmoins dans leur cheminement individuel. Je pense que Carl Rogers a pressenti correctement le phénomène empathique comme une façon d'atteindre l'individu dans sa profondeur, mais il lui aura sans doute manqué cette capacité de se fondre réellement dans son sujet pour le comprendre de l'intérieur. Il en reste pas moins un pionnier de l'âme dont les textes - d'une lecture difficile quand même - apportent un peu d'air au débat sur la dimension de l'individualité qui était jusque là enfermée dans son propre jus.
Rogers, 1962 « Qu’est-ce que j’entends par Approche Centrée sur la Personne ? C’est l’expression du thème de toute ma vie professionnelle qui s’est clarifié au cours de mon expérience, de mes interactions avec les autres au fil de ma recherche. Je souris en pensant aux diverses étiquettes que je lui ai données au long de ma carrière : counseling (1) non-directif, thérapie centrée sur le client, enseignement centré sur l'élève, leadership centré sur le groupe. Les champs d’application s'étant multipliés et diversifiés, l’étiquette d’Approche Centrée sur la Personne me semble celle qui la décrit le mieux.
L'hypothèse centrale de cette approche peut être brièvement résumée :
L’individu possède en lui-même des ressources considérables pour se comprendre, se percevoir différemment, changer ses attitudes fondamentales et son comportement vis-à-vis de lui-même. Mais seul un climat bien définissable, fait d’attitudes psychologiques facilitatrices, peut lui permettre d’accéder à ses ressources.
Il y a trois conditions requises pour qu'un climat soit favorable à la croissance de l'individu, qu'il s'agisse d'une relation client-thérapeute, parent-enfant, leader-groupe, enseignant-enseigné, administrateur-administré. Ces conditions sont, en fait, applicables partout où le développement de la personne est en jeu. J'ai décrit ces conditions dans des ouvrages précédents. Je n'en présente ici qu'un bref résumé, mais la description s'applique à toutes les relations mentionnées ci-dessus.
À la première on peut donner le nom d’authenticité, de réel ou de congruence. Plus le thérapeute est lui-même dans la relation, sans masque professionnel ni façade personnelle, plus il est probable que le client changera et grandira de manière constructive. Cela signifie que le thérapeute « est » ouvertement les sentiments et les attitudes qui circulent en lui au moment présent. C'est le terme transparent qui fait le mieux saisir la saveur de cette condition : le thérapeute se fait transparent pour le client.
Le client peut complètement voir ce qu'est le thérapeute dans la relation ; il n'y a en lui aucune réserve que le client puisse ressentir. Par ailleurs le thérapeute prend conscience de l'expérience intérieure qu'il est en train de faire. Il peut la vivre dans la relation et la communiquer s'il le juge opportun. Il y a donc une grande similarité, ou congruence, entre ce qui est ressenti au niveau viscéral, ce qui est présent à la conscience, et ce qui est manifesté au client.
La seconde attitude qui est essentielle à la création d'un climat de changement est l’acceptation, l’attention, l’estime – ce que j’ai appelé le regard positif inconditionnel. Lorsque le thérapeute éprouve une attitude positive et d'acceptation face à tout ce que le client est en ce moment, peu importe ce qu'il est à ce moment-là, il est vraissemblable qu'un mouvement ou changement thérapeutique se produira. Le thérapeute est désireux que le client soit le sentiment immédiat qu'il éprouve au moment même, quel que soit ce sentiment : confusion, ressentiment, crainte, colère, amour ou orgueil. Cette attention de la part du thérapeute n'est pas possessive. L'estime qu'il a pour son client est plutôt totale que conditionnelle.
Le troisième aspect facilitateur de la relation est la compréhension empathique. Cela signifie que le thérapeute ressent avec justesse les sentiments et les significations de ce dont le client est en train de faire l'expérience. Cela signifie aussi que le thérapeute lui communique cette compréhension. Quand il est au mieux de son fonctionnement, le thérapeute est tellement à l'intérieur du monde de l'autre que non seulement il peut clarifier les significations de ce dont le client a pris conscience mais aussi de celles qui se situent juste au dessous du niveau de la prise de conscience. Ce type d'écoute sensible et actif est extrêmement rare dans nos vies. Nous pensons écouter mais notre écoute est rarement assortie d'une compréhension réelle, d'une véritable empathie. Pourtant une écoute de ce type très particulier est l'une des plus puissantes forces de changement que je connaisse.
Comment le climat que je viens de décrire peut-il être facteur de changement ? Brièvement je dirai que lorsque les personnes sont acceptées et estimées, elles ont tendance à être davantage bienveillantes vis-à-vis d'elles-mêmes. Lorsque les personnes sont entendues avec empathie elles peuvent écouter avec plus de justesse le flot de leurs experiencings (2) internes. Dans la mesure où une personne comprend et estime son propre soi, le soi devient plus congruent avec les experiencings. La personne devient plus réelle, plus authentique. Ces tendances, réciproques des attitudes du thérapeute, permettent à la personne d'être un acteur encore plus efficace dans l'accomplissement de son propre développement. A être vraie et totalement elle-même la personne jouit d'une plus grande liberté. »
Ma pratique place principalement l'espace sensoriel de l'individu en première position et l'approche psychologique au second plan (3), car d'après moi, l'individu n'est pas sa pensée, mais il existe par son ressenti. En l'occurrence, la nature de mon aide se situe dans un état de syntonie que l'on atteint plus ou moins rapidement et plus ou moins profondément en fonction des difficultés présentes au moment de la séance. La mise en confiance préalable, par mon attitude empathique, par une transparence dans mon attitude, puis par un échange de perceptions, sont propices à cette synchronisation intra-individuelle. Pour obtenir ce résultat, ce type de séance ne peut pas se situer ni se limiter à un niveau intellectuel ou mental - il vaut mieux pour les personnes ayant ce besoin spécifique qu'elles se dirigent plutôt vers une autre spécialité ; le résultat attendu demande principalement à la personne intéressée par ce voyage intérieur un relâchement et une conscience de soi au moment de cette exploration perceptive. Mon intervention touchera donc plus facilement les individus habitées par ce besoin dans l'existence, plutôt que par les personnes qui malheureusement n'en comprennent pas l'intérêt.
******** NOTES********
(1) - Le terme counseling est couramment utilisé par Rogers en lieu et place de psychothérapie.
(2) Experiencing: terme qui n'a pas d'équivalent lexical en français. Il signifie une expérience interne qui est en train de se faire.
(2) Experiencing: terme qui n'a pas d'équivalent lexical en français. Il signifie une expérience interne qui est en train de se faire.
(3) Il me semble vraiment important de ne pas confondre les deux approches, ni de les différentier dans leur aboutissement.
********SOURCE DU TEXTE ********
http://www.acp-pr.org/caracteristiques.html
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