deux et demi



Depuis que je suis né, les contacts humains se révèlent perturbants pour moi. C’est pourquoi, je n’envie pas le contact corporel de ce bambin lové dans le dos de sa maman, les repas gastronomiques d’un restaurant 4 étoiles, ni les vêtements de marque à la mode, les soirées en famille autour d’un jeu de société, le bisou affectueux dans la maladie ou après s’être égratigné les genoux, ni les recommandations pertinentes en tête à tête du père ou de la mère pour apprendre à faire face aux situations et aux autres. Ce n’est pas que j’en ai peur, ce n’est pas que je les refuse – au contraire, je les recherche – mais ils me placent constamment dans une distance qui m’a longtemps paru infranchissable jusqu’à ce que je développe des facultés psychiques hyper-sensorielles. C'est cette aptitude, qui, en accentuant mes fonctions cognitives, comble astucieusement le vide laissé par une absence (relative) de capacité à glaner suffisamment d’informations pour me faire une idée juste d’une situation. Oui, un trouble existe, que j’ai, depuis de longues années et avec un grand soin, tenté de gommer pour essayer de vivre normalement ; ce n’est pas parfait. C’est loin d’être parfait ! Tout dépend des difficultés rencontrées et de la vigilance de l’autre. Il existe en moi des besoins qui me contraignent à faire plus attention aux modèles sociaux sous peine d’en souffrir sur le long terme. Il s’agit par exemple de ces efforts qui consistent à savoir comment répondre à l’émotion de l’autre et placer le bon sentiment ou un geste spontané de sympathie. Si je ne réponds pas suffisamment vite et dans le bon tempo à cette sollicitation, il est déjà arrivé souvent que mon nom de baptême soit remplacé par un sobriquet moins flatteur telle que « homme-sans-cœur », ou « homme-insensible » ou encore « handicapé-du-sentiment ». Ce sont des propos exagérés sans doute, mais je dois reconnaître que pour que cette idée soit réellement fausse, il faudrait effectivement qu’elle soit complètement fausse. Dans ces conditions, chaque situation inter-relationnellem’oblige dans ce mode booléen à capter, décortiquer, trieretannoter d’infimes informations dans mon environnement, ce qui pousse souventà l’extrême mes capacités cognitives et fait chuter le niveau d’énergie global ; le phénomène est globalement renforcé par les mauvais échanges avec les autres, aggravé par les environnements perturbants et dorénavantamplifié par toute cette attention que je porte à l’autre au cours d’une séance de magnétisme. Le besoin de m’isoler pour recharger mes batteries devient alors une nécessité vitale, parce qu’ils’accompagne d’une hypersensibilité physique impressionnante, elle-même source d’unmal-être indéfinissablePour me préserver de ces baisses d’énergie dévorante, et maintenirun niveau de fonctionnementrelativement équilibré,j’aidéveloppé jusqu’ici une très sérieuse et une très efficace capacité à tout anticiper. Mais avec le temps, je dois avouer que ce n’est plus possible d’agir ainsi ; pourtant, cela réduit favorablement le bruit du problème ; le souci, c’est que çarendraitaussi le réglage et ledéclenchement du mécanisme beaucoup plus sensible à l’anxiété, ce qui à la longue devient insoutenable. De même, un usage trop répété dufragile ressort intérieurfinit par tout déglinguer et me rendre inutilisable un long moment. Je fatigue. C’est trop. Il paraîtrait que les difficultés qui m’habitent ne sont pas dues une maladie, mais à un fonctionnement différent. Très bien. Est-ce que ça peut vraiment m’aider à améliorermon régime moteur, à corriger l’écliptique de mes rouages malhabiles, à nettoyer mon vieux programme identitaire et toutes ses interfaces hypersensibles ? Est-ce que ce n’est pas ce que je fais déjà, bricoler et rafistoler ? Mais pour combien de temps encore ? Je ne sais pas.


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