Trois quart





Texte mis à jour le 31/07/16

Mes premières recherches autodidactes ont débuté à l’age de 16 ans (en 1986), date à partir de laquelle j'ai commencé à acheter des ouvrages de psychologie, de psychiatrie, de développement personnel, remplaçant peu a peu l’astronomie, les auteurs de science-fiction, et les livres de médecine. Lorsque je compare cette période avec toutes les connaissances que j’ai engrangées depuis, j’ai nettement le sentiment d’avoir voulu trouver une aiguille dans une meule de foin. Les informations ne circulaient pas encore comme aujourd’hui grâce à Internet. Et puis surtout, certaines réponses que je cherchais n’existaient pas encore ! C’est ce qui m’a d’ailleurs conduit à rencontré le premier spécialiste (en 1993). C’est clairement grâce à la psychanalyse que je me suis autorisé peu à peu à quitter ma bulle et à commencer à explorer un environnement qui m’épouvantait complètement. Les deux autres thérapies (1999 et 2008) que j’ai entrepris ensuite n’ont jamais eu autant de bénéfice. Elles se sont révélées néanmoins indispensables pour améliorer une qualité de vie proche de la normalité. Déni d'être soi-même, quand tu nous tiens ! Et puis, un jour (2009) quelqu’un m’a mis dans les mains le livre « trop intelligent pour être heureux », de Jeanne Siaud-Facchin. Le premier choc fut pour moi de reconnaître qu’il existait effectivement des correspondances très significatives entre ce que pouvait dire le livre et ce que j’avais constaté par moi-même dans mon fonctionnement cérébral, mes relations sociales et ma façon très singulière de mettre tout ça en relation. L'intérêt de cette lecture a effectivement débouché un quart des zones d’ombre que je savais en relation avec l’estime de soi – indéniablement, ce livre m’a beaucoup aidé sur ce point – mais il me manquait encore ce petit quelque chose pour expliquer tout le reste, c'est-à-dire son cortège de troubles satellites plus ou moins dominants. Partant de cette hypothèse, j’ai découvert dans ma lancée que mes bizarreries n’étaient pas étrangères non plus à un « Trouble du Déficit de l’Attention avec (ou non) Hyperactivité » (TDAH) dans les dix symptômes énoncés ici. Au moins, c'était clair ! J’aurai pu le vérifier auprès d’un psy, mais je ne suis finalement pas allé jusqu'au bout de cette idée. Et puis, il y a quelques semaines de cela (début 2016), j'ai commencé à lire un premier article (celui-ci et celui-ci) traitant du Syndrome d’Asperger (SA) chez l'enfant, puis un second (celui-là et celui-là et là) sur le « Trouble du Spectre Autistique » (TSA) chez l'adulte, confirmant peu à peu le soupçon (ici) de me retrouver également dans l’un de ces schémas-là… Et dans quelle limite avec la schizophrénie ? Pour conclure, plus j'y réfléchi, plus je me dis que la constellation de tous les troubles qui m'habitent répond à une forme cladistique de comportements que je nommerai aujourd'hui mon individualité. Nous sommes habitués à croire qu'il faudrait être comme ceci ou comme cela, parce qu'il n'existe pas d'outils statistiques permettant d'apprécier à sa juste valeur la qualité de chaque individualité ; il n'existe que des diagnostics d'appoint conçus pour juger de la maladie, comme si c'était le plus important. En fait, les différences ne font peur qu'à ceux qui ne se sentent pas différents. De lire tous ces textes "nous" permettent bien sûr d'en savoir un peu plus sur soi, mais je me demande si ce ne serait pas une façon de se triturer bien inutilement les neurones. De passer à côté de l'essentiel. Le respect de l'individualité. En attendant d'y voir un peu plus clair dans ma profonde réalité, ce seront donc les seules fois dans un article que j'attirerai sur moi tous ces termes psychologiques et techniques à la fois. Ceci afin d'éviter une confusion et un raccourci involontaire.

Edit du 31-07-2016

Je ne serai jamais cool :
— parce que je ne te dirai jamais « Viens à la maison quand tu veux ! », car j’ai besoin d’être avertie de ta visite au moins trois jours ouvrables à l’avance et de connaître ton heure d’arrivée et, si possible, ton heure prévue de départ. Parce que les imprévus, ça me tue et que je ne pourrai pas t’accueillir avec le sourire. Que si tu me fais une visite surprise, je vais faire la gueule, mais ce ne sera pas ta faute. C’est mon anxiété qui prendra toute la place. Je comprends tes bonnes intentions, et les miennes ne sont pas
mauvaises non plus ;
— parce que je vais préférer dîner seule ou avec une ou deux personnes au lieu de faire partie de la gang. Tu me verras comme snob, pas « parlable », et tu vas penser que je te rejette. Il n’en est rien. Parler de tout et de rien, entendre des conversations croisées, la chaleur, respecter les bons codes sociaux, dire les bonnes choses au bon moment sans faire de bourde (j’en ferai au moins une qui créera un froid), et manger en plus, c’est une bonne façon de m’épuiser moralement et physiquement en moins de deux. Je ne peux pas gérer tout ça. Je serai anxieuse, épuisée et muette tout le reste de la journée, tu verras ;
— parce que je vais être impatiente quand je t’explique quelque chose qui est très clair pour moi, et que je pense que si c’est facile pour moi, c’est pareil pour toi, sans égard pour tes talents, tes capacités et tes limites. Dans ma conception des choses, si je peux apprendre un logiciel complexe en deux heures, toi aussi ;
— parce que je vais toujours m’enthousiasmer pour deux ou trois sujets de conversation et regarder dans le vide quand tu me parles durant dix minutes d’un sujet que tu maîtrises et auquel je ne connais rien. Mais contrairement à ce que tu penses, je t’écoute attentivement même si je ne te regarde pas. C’est juste que je suis sans doute en train de me vider de ma batterie à force de demander à mon esprit de rester concentré. Alors je ne te donnerai plus de signes d’intérêt, mais je n’en ai pas toujours conscience. Il faut que tu continues de me parler quand même, même si ce n’est pas évident pour toi. Ce n’est pas évident pour moi non plus ;
— parce que je ne te dirai pas systématiquement « Salut, comment ça va ? » quand je te verrai en premier. Et si tu dis « Comment ça va aujourd’hui ? », il est possible que je te détaille mes malheurs personnels, quel que soit ton degré d’intérêt envers la réponse et quel que soit notre degré d’intimité. Tu veux juste être poli et entendre « Super bien ». Mais pour moi, c’est une véritable
question ouverte ;
— parce que je vais te reprendre rudement quand tu fais une erreur, sans égard pour ton amour propre et ton expertise, juste parce que pour moi, tu n’as pas dit les choses justes et que je suis concentrée sur la vérité et non sur l’émotion que ma rudesse suscite chez toi. La vérité, quand elle existe, c’est la seule chose à laquelle je peux me fier dans ce monde où tout est flou pour moi. J’en suis désolée, je ne veux pas te blesser ;
— parce que si tu es mon ami et qu’au cours d’une discussion une personne qui n’est pas de « notre clan » ou est un « ennemi » a raison, je vais lui donner raison, sans égard pour les liens particuliers qui nous unissent. Même devant d’autres personnes. Pour moi, la vérité et la justesse de l’information est la chose la plus importante, même s’il faut sacrifier des bras et des jambes. Je ne verrai pas la trahison que tu ressentiras, car te trahir n’était pas mon intention première ;
— parce que je ne te donnerai pas systématiquement raison simplement parce que tu as un doctorat, que tu es mon aîné, que tu es plus riche que moi, que tu as un meilleur travail que moi ou que tu crois être Dieu. Quand mon idée est faite, il faut me faire changer d’avis avec des arguments rationnels, pas avec des émotions. Je ne comprends pas la hiérarchie sociale ou les formes de discrimination qui, dans ta tête, peuvent me mettre inférieure à toi et te permettre de gagner juste pour gagner. Alors je vais m’obstiner. N’en fais pas une affaire personnelle ;
— parce que je ne réagis pas à tes soucis quotidiens avec l’empathie à laquelle tu t’attends. Je vais te donner une solution logique sans te tapoter le dos. Si tu me reparles de ton souci plus tard, je vais répéter ma solution jusqu’à ce que tu la mettes en pratique. Je peux être plate comme ça. Mon but est de t’aider, c’est ma forme d’empathie. Si j’ai réagi, c’est que je tiens à toi, malgré ce que tu penses. Je ne te prends pas pour un imbécile ;
— parce que j’arrêterai probablement de réagir à notre conversation au bout de vingt minutes et que tu me sentiras absente parce que le restaurant est trop bruyant, qu’un bambin pleure à la table voisine, que la voix portante de Jean-Paul, cinq tables plus loin, s’élève au-dessus de tes paroles. Parce que les bruits de vaisselle et de cuisine viennent gronder avec le murmure rugueux des conversations entrecroisées et que la musique de fond englobe tout dans une cacophonie sans nom que toi tu ne remarques pas, mais qui me fait grincer des dents comme des ongles sur un tableau noir. Cette métaphore-là, je suis certaine que tu la comprends ;
— parce que je ne montrerai pas facilement mes émotions et tu auras tendance à ne pouvoir les lire dans mon non-verbal. Tu me diras souvent : « Mais dis-le à ta face ! » si je te dis que je suis anxieuse ou contente, mais que je garde la neutralité glaciale de Monsieur Spock ;
— parce que je ne ferai pas de batailles d’oreillers ou de chatouilles ou que je ne te prendrai pas spontanément dans mes bras avec force parce que ça peut me faire mal. Tu me diras en badinant « Oh, allez, ce n’était qu’une petite tape sur l’épaule ! » en te la refaisant à toi-même sans saisir que moi, j’aurai mal pendant une heure. Ma peau est sensible à ce point-là ;
— parce que j’aurai toujours l’air nerd parce que je passe plus de temps avec mon PC et mes livres qu’avec toi. Si tu réussis à me désincruster de ma chaise à roulettes, il faudra que le film soit bon, le poulet pas trop sec ou les lieux pas trop bondés. Mais tu ne le sauras peut-être pas que j’aurais préféré m’enfermer seule à la maison en compagnie de mon écran, parce que je n’oserai pas le dire. Si j’ose, tu me trouveras impolie, parce que je n’aurai pas toujours les mots diplomates. Tu ne dois pas en faire une affaire personnelle, ça non plus ;
— parce qu’où que tu m’emmènes, quoi que tu fasses
d’extraordinaire, je ne partagerai pas toujours ton enthousiasme et ton bonheur. Parce que même si tu joues dans le meilleur groupe rock de l’année, en allant te voir jouer, je n’aurai pas envie de taper des mains au rythme de tes chansons, je serai anxieuse dans la foule et j’aurai envie de m’enfuir chez moi et de te laisser en plan. Mon attitude n’a rien à voir avec toi, c’est ce qui enrobe l’ensemble de la situation qui m’agresse. Et je ne peux pas souvent passer par-dessus tout ça ;
— parce que si tu changes nos plans à la dernière minute, je vais figer parce que j’ai déjà passé deux jours à me préparer mentalement à toutes les étapes décidées, au trajet, au stationnement, à ne pas arriver en retard, aux gens à rencontrer, et que là, tu me déstabilises. Je n’aurai pas le temps de me refaire une carte
mentale pour me baliser. Je vais paniquer ;
— parce que j’ai l’air de parler comme un livre et que mon langage semble parfois sorti d’une autre époque, une époque qui n’est plus à la mode. Parce que j’utilise des mots savants et que tu pourrais penser que je suis pédante. C’est juste que ces mots existent, que je les connais et qu’ils servent le message que je veux te transmettre. Sur les paroles comme sur tout, je suis souvent en dehors des modes ;
— parce que tu ne diras jamais de moi : « C’est une fille
chaleureuse, elle nous met à l’aise, c’est une fille de party. » Parce que tu n’arriveras jamais à me saisir et que tu risques d’interpréter mon comportement involontairement rigide comme négatif à ton égard. Mais tu ne sauras jamais que moi, je ne te juge pas, que je ne te compare pas aux autres et que j’accepte tes différences et que je pense vraiment les belles choses que je te dis ;
— parce que je n’aime pas les sports d’équipe, que je n’ai pas de coordination et que, pour moi, si l’équipe perd ou gagne, ça ne me fait pas de différence. Je n’ai pas le sens de la compétition du tout en moi. Parce que d’être invitée à jouer à un sport d’équipe, c’est aussi attirant pour moi que de jouer à la roulette russe ;
— parce que je te paraîtrai toujours un peu antipathique ou étrange au premier abord et que tu découvriras plus tard que je suis adorable. Tu me diras : « Tu gagnes à être connue », si tu te rends jusque-là. Mais la majorité des gens ne le fait pas ;
J’ai beau travailler fort tous les jours contre tout ça, pour m’adapter à ta vision et à ton monde, ce sera toujours un terrible combat où je perds des dents et des ongles au quotidien. Mais ça, tu l’oublieras, parce que tu crois me connaître et que pour toi, je suis « normale », juste timide et renfrognée. Tu ne verras que la fille pas cool, pas facile à fréquenter, celle avec qui « c’est donc bien compliqué avec elle » et, la plupart du temps, tu te détourneras.

« Derrière le mur de verre - 52 semaines avec une autiste Asperger », ou le syndrome d’Asperger revisité de Marie Josée Cordeau





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'aura accidenté

l'aura des dents

Crispation du larynx